La prise de décision dans un contexte d’indivision dysfonctionnelle : ce qu’il faut savoir

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La prise de décision dans un contexte d’indivision dysfonctionnelle : ce qu’il faut savoir

L’indivision, ce mode de copropriété où plusieurs personnes détiennent ensemble un bien, peut être une excellente solution de partage et de gestion collective… tant que tout le monde s’entend bien. Mais que se passe-t-il lorsque les relations se détériorent et que les décisions deviennent impossibles à prendre ? Plongée dans l’univers parfois épineux de l’indivision dysfonctionnelle.

L’indivision : un principe simple, des réalités complexes

On parle d’indivision lorsqu’un bien est détenu par plusieurs personnes, sans qu’une division matérielle de celui-ci n’ait été faite. Ce type de copropriété est omniprésent dans nos vies et peut viser tant des biens meubles – comme des électroménagers ou du mobilier de salon acheté avec votre conjoint ou un colocataire- que des immeubles. Le présent article s’attardera plus particulièrement aux immeubles détenus en indivision, car ce sont eux qui, en cas de conflit, génèrent les litiges les plus complexes.

L’un des principaux défis de l’indivision est la nécessité de prendre des décisions conjointes concernant le bien détenu. Idéalement, une convention d’indivision vient baliser le tout et établir les règles du jeu. Cette convention est idéalement rédigée par un professionnel et prévoit toutes les modalités encadrant l’indivision. À défaut, c’est le Code civil du Québec, notamment l’article 1026, qui s’applique — et son interprétation peut rapidement devenir un terrain glissant.

Quand l’indivision tourne au vinaigre : l’affaire Boisvert c. Boisvert et Giguère

Un exemple récent illustre bien les conséquences d’une indivision mal encadrée : l’affaire Boisvert c. Boisvert et Giguère, tranchée par le juge Bundaru de la Cour supérieure du district de Montréal, le 3 avril dernier.

Dans cette affaire, les parties, Manon, Guy et Catherine, ont hérité de sept immeubles à revenus. Manon, la demanderesse, souhaite mettre fin à l’indivision et vendre les immeubles. 

Au départ, Guy et Catherine sont ouverts à racheter la part de Manon. Toutefois, un désaccord surgit quant à la valeur des immeubles, et les parties conviennent finalement de les vendre par l’intermédiaire d’un courtier. Là encore, les choses se corsent : Guy et Catherine souhaitent que ce soit la conjointe de Guy, une courtière immobilière expérimentée, qui prenne en charge la vente. Manon s’y oppose fermement, réclamant un courtier indépendant.

L’impasse est totale, et les parties doivent se tourner vers le tribunal pour faire trancher une décision qui, à première vue, semblait pourtant banale.

Le jugement? Le tribunal donne raison à Manon, considérant que la nomination d’un courtier immobilier constitue une décision liée à la vente du bien, et qu’à défaut d’une convention d’indivision, cette décision doit se prendre à l’unanimité des indivisaires selon le Code civil. Étant donné l’absence d’un tel consensus, le juge tranche : un courtier indépendant des parties sera désigné et les frais judiciaires seront à la charge des défendeurs, Guy et Catherine.

Des solutions pour éviter le pire

Cette affaire n’est malheureusement pas unique, les conflits en matière d’indivision étant affaires courantes dans les cabinets juridiques. Elle illustre bien comment une simple divergence d’opinion peut dégénérer en saga judiciaire, avec son lot de frais, de délais et de tensions.

Alors, comment éviter de se retrouver dans une telle situation?
Voici quelques bonnes pratiques pour gérer une indivision de façon prévoyante :

Rédiger une convention d’indivision : Ce document permet de prévoir les règles de gouvernance, les droits et responsabilités de chacun, et les modalités de sortie. Il s’agit d’un outil préventif essentiel.
Consulter un professionnel : Que vous achetiez avec un proche, héritiez d’un bien ou partagiez une propriété avec des amis, une rencontre avec un notaire ou un avocat spécialisé est fortement recommandée.
Prévoir l’imprévisible : Anticiper les conflits peut sembler pessimiste, mais c’est en planifiant toutes les éventualités possibles que l’on évite les tempêtes.

Conclusion

L’indivision peut être un excellent moyen d’acquérir ou de gérer un bien immobilier, mais elle exige rigueur, communication… et encadrement juridique. L’exemple de l’affaire Boisvert nous rappelle qu’un conflit entre indivisaires peut paralyser la gestion d’un bien et mener à de lourdes conséquences juridiques.

Une convention d’indivision bien rédigée, c’est la meilleure assurance pour préserver la relation entre indivisaires et éviter que le rêve de copropriété ne tourne au cauchemar judiciaire.

Par Me Catherine Dion-Lafont

*** Le contenu du présent article ne vise qu’à fournir des observations et des renseignements généraux qui ne doivent pas être considérés comme des conseils juridiques. Les lecteurs ne devraient d’aucune façon prendre des décisions uniquement sur la base des informations communiquées ci-dessus, et ce, sans obtenir les conseils juridiques d’un professionnel.