Le 22 mai 2025, la Cour supérieure a rendu une décision rare et significative en matière familiale : un père est condamné à verser 10 000 $ en dommages moraux à la mère de son enfant pour avoir rompu, par son comportement dénigrant et aliénant, la relation entre celle-ci et leur fils. Cette décision est exceptionnelle par sa portée : elle reconnaît la gravité du tort causé à la mère, mais surtout, elle établit qu’aucun parent ne peut impunément priver l’autre de son rôle auprès de l’enfant. Le tribunal ne devient pas un arbitre de la morale, mais il trace ici une limite nécessaire à ce qui est acceptable dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale.
Contexte de l’affaire
Dans l’affaire Droit de la famille — 25664 (2025 QCCS 1870), le Tribunal se penche sur un conflit parental toxique qui dure depuis près d’une décennie. Le père, incapable d’accepter la séparation, a nourri chez l’enfant un profond ressentiment envers sa mère. Ce processus, entamé dès la petite enfance, s’est poursuivi jusqu’à provoquer une rupture complète entre la mère et son fils, aujourd’hui âgé de 13 ans.
Comportement du père
Le jugement met en lumière une série de gestes systématiques et destructeurs, des propos dénigrants, répétés et intentionnels, par lesquels le père a influencé la perception de l’enfant. Il a suggéré que la mère était violente, irresponsable, voire dangereuse. Il l’a exclue des décisions parentales, a transmis à l’enfant une image falsifiée et péjorative de sa mère, et a même orchestré des fuites pour empêcher tout contact entre eux.
Conséquences juridiques
Le Tribunal conclut que la rupture de la relation mère-fils est la conséquence directe de cette stratégie d’aliénation parentale. En application de l’article 1457 C.c.Q., le juge retient la faute, le lien de causalité et le préjudice. Le Tribunal reconnaît ainsi que l’autorité parentale ne peut être détournée pour nuire à l’autre parent sans conséquence civile.
Implications de la décision
Il est assez rare qu’un tribunal accorde des dommages à un parent dans un contexte de conflit parental. La barre est haute, la preuve doit démontrer un comportement fautif, constant et sans autre explication plausible. L’aliénation parentale, lorsqu’elle est établie par une preuve claire et convaincante, constitue une faute civile. Ce jugement vient rappeler qu’un parent ne peut utiliser son influence pour rompre volontairement le lien entre un enfant et l’autre parent, sans en assumer les conséquences et servira certainement de référence dans les cas extrêmes où la rupture de lien parental résulte d’un comportement malveillant et destructeur.
En somme, la liberté parentale a ses limites. Quand l’un des parents détourne son rôle pour entretenir un conflit et détruire la relation de l’enfant avec l’autre parent, il engage sa responsabilité. Ce jugement envoie un message clair : l’aliénation parentale peut avoir un coût juridique bien réel.
Par Me Annie-Élizabeth Girard
*** Le contenu du présent article ne vise qu’à fournir des observations et des renseignements généraux qui ne doivent pas être considérés comme des conseils juridiques. Les lecteurs ne devraient d’aucune façon prendre des décisions uniquement sur la base des informations communiquées ci-dessus, et ce, sans obtenir les conseils juridiques d’un professionnel.