Annulation d’un mariage : Quand l’amour en ligne cache un stratagème d’immigration
Dans une décision rendue le 25 février 2025 (Droit de la famille — 25251, 2025 QCCS 719), la Cour supérieure du Québec a prononcé l’annulation d’un mariage contracté entre une résidente du Québec et un citoyen libanais rencontré sur les réseaux sociaux. L’affaire illustre les conséquences juridiques graves qui peuvent découler d’un mariage contracté dans un contexte de tromperie affective.
Une relation rapide et suspecte
Les parties, toutes deux d’origine libanaise et de confession druze, ont amorcé une relation virtuelle en août 2020. Moins de quatre (4) mois plus tard, après quelques rencontres en présence de membres de leur famille, elles se marient au Liban. Madame retourne au Québec immédiatement après le mariage, elle n’a jamais vécu un seul jour sous le même toit que son époux ni entretenu de relation intime avec lui.
Monsieur immigre au Canada en juillet 2022. À son arrivée, il évite madame, refuse de vivre avec elle, puis lui annonce froidement qu’il souhaite divorcer. Les parties n’ont jamais fait vie commune.
Un consentement entaché de dol
Le Tribunal conclut que le consentement de la demanderesse n’était ni libre ni éclairé. La preuve, composée de messages électroniques, d’éléments circonstanciels et de contradictions majeures dans la version du défendeur, démontre que ce dernier n’avait jamais eu l’intention d’intégrer un véritable projet de vie maritale. Son objectif était uniquement d’immigrer au Canada et possiblement même pour rejoindre une autre femme.
L’article 380 du Code civil du Québec permet l’annulation d’un mariage lorsque le consentement n’était pas libre ou éclairé. La juge conclut ici que la demanderesse a été trompée sur une composante essentielle du mariage : l’intention réelle du défendeur.
Les faits révélateurs
En effet, la preuve démontre que :
– le défendeur n’a jamais eu l’intention de faire vie commune, ni d’assumer les obligations conjugales;
– il a utilisé le mariage comme instrument pour quitter le Liban et immigrer au Canada;
– il a entretenu une relation parallèle avec une autre femme qu’il a rejointe rapidement après son arrivée au pays;
– il a menti à la demanderesse sur ses intentions, ce qui constitue un dol au sens des articles 1400 et 1401 C.c.Q.
Les conséquences judiciaires
Le Tribunal renverse donc la présomption de bonne foi prévue à l’article 387 C.c.Q. et déclare que le mariage est nul ab initio. Il condamne le défendeur à verser à la demanderesse une somme avoisinant 10 000 $ pour dommages-intérêts compensatoires pour les pertes financières encourues en lien avec le mariage, notamment pour l’achat de billets d’avion, les frais de parrainage et un prêt demeuré impayé. Le défendeur est en outre condamné à payer 6 000 $ à la demanderesse à titre de dommages pour le préjudice moral subi, en raison du choc émotif et de l’humiliation ayant nécessité une démarche thérapeutique. De plus, une somme de 2 000 $ est accordée à la demanderesse à titre de dommages punitifs pour atteinte illicite à sa dignité, en application des articles 4 et 49 de la Charte des droits et libertés de la personne, ainsi qu’un montant additionnel de 5 000 $ pour abus de procédure.
Conclusion — Mariage et immigration : prudence face aux intentions cachées
Le mariage est une institution sérieuse. Lorsqu’il est utilisé à des fins frauduleuses, notamment pour contourner les règles d’immigration, les tribunaux québécois n’hésitent pas à intervenir de manière rigoureuse. Ainsi, l’annulation rétroactive d’un mariage peut être prononcée lorsque le consentement a été vicié par le dol.
Si vous éprouvez des doutes quant aux véritables intentions de votre partenaire rencontré à l’étranger, il est fortement recommandé de consulter un avocat avant de vous engager dans un mariage ou de signer un contrat de parrainage. Une décision précipitée peut entraîner des conséquences juridiques et financières importantes.
*** Le contenu du présent article ne vise qu’à fournir des observations et des renseignements généraux qui ne doivent pas être considérés comme des conseils juridiques. Les lecteurs ne devraient d’aucune façon prendre des décisions uniquement sur la base des informations communiquées ci-dessus, et ce, sans obtenir les conseils juridiques d’un professionnel.