Une adolescente stérilisée sans consentement : le TAQ corrige une injustice historique

Une adolescente stérilisée sans consentement : le TAQ corrige une injustice historique

Dans une décision rendue le 19 février 2025 (S.B. c. Ministre de la Justice (IVAC), 2025 QCTAQ 02377), le Tribunal administratif du Québec (TAQ) reconnaît qu’une jeune fille de 17 ans a été victime d’un acte criminel, à la suite d’une stérilisation chirurgicale pratiquée à son insu lors d’un avortement thérapeutique en 1981.

Cette décision met en lumière une violation flagrante de l’intégrité physique et des droits reproductifs d’une adolescente, dont la portée dépasse largement le cadre du litige pour toucher à des principes fondamentaux du droit.

Les faits : une intervention chirurgicale pratiquée sans aucun consentement valide

En janvier 1981, la requérante, alors âgée de 17 ans, se présente à l’hôpital pour une interruption volontaire de grossesse, à la suite de deux agressions sexuelles récentes. Elle est accompagnée non pas de ses parents, mais de son enseignante, à qui elle s’était confiée en raison d’un contexte familial violent et négligent.

Durant l’intervention, alors qu’elle est sous anesthésie générale, le médecin responsable procède à une ligature des trompes par scopie, soit une opération chirurgicale de stérilisation, sans l’informer ni obtenir de consentement. Aucune autorisation parentale n’a été obtenue et aucun formulaire de consentement n’a jamais été versé au dossier médical, un fait que le Collège des médecins constatera des décennies plus tard, sans pour autant sanctionner le médecin.

Ce n’est que sept (7) ans plus tard, en 1988, alors qu’elle tente de concevoir un enfant, que la requérante apprend qu’elle a été stérilisée. Elle entreprend des démarches chirurgicales pour renverser l’intervention, en vain. Entre 1990 et 1991, elle effectue cinq (5) tentatives de suicide et suivra huit (8) années de psychothérapie.

La position du Tribunal : Une voie de fait grave et une atteinte à l’intégrité

Le TAQ conclut que la stérilisation non consentie constitue une voie de fait grave au sens de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (LIVAC), malgré l’absence d’une disposition explicite sur la stérilisation forcée au Code criminel. Il rappelle que l’absence de consentement à une chirurgie élective constitue en soi une atteinte à l’intégrité, et rejette l’argument du Procureur général selon lequel le médecin aurait agi pour le « bien » de la jeune fille.

Le Tribunal souligne également qu’en 1981, le consentement parental était requis pour toute intervention non urgente sur une mineure, et qu’aucune preuve ne permet d’établir que cette autorisation a été obtenue.

Sur le plan juridique, le Tribunal insiste sur l’interprétation large et libérale de la LIVAC, rappelant que le rôle du régime d’indemnisation est réparateur et centré sur la victime, non sur la culpabilité criminelle de l’auteur.

Une réparation tardive, mais essentielle : Reconnaître les torts infligés

Le Tribunal accueille le recours, infirme la décision du Bureau de la révision administrative de l’IVAC et reconnaît officiellement que la requérante a été victime d’un acte criminel. Il ordonne que son dossier soit retourné à l’IVAC pour déterminer les indemnités auxquelles elle a droit.

Cette décision illustre la nécessité, même des décennies plus tard, de reconnaître les torts infligés aux personnes dont les droits fondamentaux ont été bafoués, en particulier lorsque ces atteintes ont été commises dans un cadre médical sous couvert d’autorité.

Faire valoir vos droits

Si vous avez été victime d’une intervention médicale pratiquée sans votre consentement, ou si vous avez des doutes quant à la validité du consentement donné, sachez que des recours existent.

Chez Girard Avocats, nous sommes à l’écoute de votre situation et prêts à vous accompagner pour faire valoir vos droits.

Par Me Annie-Élizabeth Girard

*** Le contenu du présent article ne vise qu’à fournir des observations et des renseignements généraux qui ne doivent pas être considérés comme des conseils juridiques. Les lecteurs ne devraient d’aucune façon prendre des décisions uniquement sur la base des informations communiquées ci-dessus, et ce, sans obtenir les conseils juridiques d’un professionnel.