De la procuration générale au mandat en cas d’inaptitude : des nuances à bien saisir!
En 2022, une enquête sur la proche aidance au Québec établissait que 2,5 millions d’adultes au Québec, soit 35 % de la population adulte, étaient proches aidants¹. Il est donc probable qu’un jour ou l’autre, vous soyez appelé à soutenir un proche en perte d’autonomie.
Mais quels sont les meilleurs outils pour vous permettre de représenter ce proche, de l’aider dans son quotidien et de veiller au respect de ses intérêts?
En droit québécois, la procuration générale et le mandat en cas d’inaptitude sont deux outils permettant d’agir pour un tiers, dans ses intérêts, et de le représenter. Bien que similaires, ces outils ont des vocations bien distinctes et doivent être utilisés avec discernement.
Voici donc un bref résumé du mécanisme de la procuration générale et du mandat en cas d’inaptitude, afin de vous aider à faire un choix éclairé.
1. La procuration général
La procuration générale est un acte juridique par lequel une personne (le mandant) donne à une autre personne (le mandataire) le pouvoir de gérer ses affaires courantes. Contrairement au mandat en cas d’inaptitude, la procuration générale ne suppose pas une situation d’incapacité ou d’inaptitude, mais est plutôt un instrument permettant au mandant de confier ses tâches quotidiennes à une autre personne. La procuration générale est de nature temporaire et peut être révoquée en tout temps par le mandant.
Caractéristiques de la procuration générale :
– Elle permet de confier à une personne de confiance la gestion de certains aspects de la vie quotidienne, comme la gestion administrative et des finances du mandant. Elle permet notamment de faire des transactions bancaires au nom du mandant, de prendre des rendez-vous pour lui et de discuter directement avec certains professionnels. Cette procuration est donc souvent utilisée de manière temporaire et dans des situations où le mandant n’est pas inapte, mais préfère être représenté par un tiers.
– Elle peut être révoquée à tout moment par le mandant, à condition que ce dernier ait la capacité de le faire. Cela signifie que tant que le mandant conserve sa capacité à agir, il peut mettre fin à la procuration ou la modifier selon ses désirs.
Limites de la procuration générale :
Pour qu’une procuration générale soit valide, le mandant doit être apte et doit être en mesure de la modifier ou de la révoquer en tout temps.
Ainsi, en cas d’inaptitude du mandant, cette procuration cesse automatiquement de produire ses effets et devient caduque. Il devient alors impossible pour le mandataire d’agir ou de consentir pour le mandant.
Dès les premiers signes d’inaptitude du mandant, il devient donc nécessaire d’entreprendre les démarches afin de faire homologuer le mandat en cas d’inaptitude.
2. Le mandat en cas d’inaptitude
Le mandat en cas d’inaptitude est un mécanisme juridique qui permet à une personne (le mandant) de désigner une autre personne (le mandataire) pour la représenter dans le cas où elle deviendrait inapte à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens.
Contrairement à la procuration générale, le mandat en cas d’inaptitude est spécifiquement conçu pour anticiper une situation d’incapacité future du mandant.
Caractéristiques du mandat en cas d’inaptitude :
– L’un des éléments essentiels du mandat en cas d’inaptitude est l’inaptitude du mandant. Contrairement à la procuration générale, ce mandat entre en vigueur uniquement lorsque le mandant devient inapte. L’inaptitude est définie par le Code civil du Québec comme l’incapacité, temporaire ou permanente, d’une personne à comprendre la nature de ses actes ou à prendre des décisions éclairées. Cette inaptitude doit être constatée par un médecin et un travailleur social, lesquels produiront un rapport constatant l’inaptitude du mandant et recommandant l’homologation du mandat en cas d’inaptitude.
– Le mandat en cas d’inaptitude est un contrat qui doit être rédigé et signé par le mandant alors qu’il est encore apte à prendre des décisions. Ce mandat peut être mis en œuvre dès que le mandant devient inapte et doit être homologué par un notaire ou le Tribunal
Limites du mandat en cas d’inaptitude :
– Le mandataire doit agir dans l’intérêt du mandant, conformément à ses volontés. Le mandat peut être limité dans son champ d’action : il peut concerner uniquement la gestion des biens, les soins de santé, ou les deux. Il peut également préciser des pouvoirs spécifiques pour certains actes.
– Le mandat en cas d’inaptitude est susceptible d’être soumis à une révision ou à une intervention judiciaire, en particulier si le mandataire agit de manière abusive ou ne respecte pas les volontés exprimées dans le mandat.
– Le mandat en cas d’inaptitude prend fin lorsque le mandant retrouve sa capacité ou en cas de décès de ce dernier. Il peut également cesser si le mandataire ne peut plus exercer ses fonctions ou en cas de révocation par le mandant avant l’inaptitude.
Conclusion
En droit québécois, la procuration générale et le mandat en cas d’inaptitude servent à déléguer des pouvoirs, mais leur portée et leurs conditions d’application diffèrent fondamentalement. La procuration générale est plus souple et peut être utilisée dans des situations où l’inaptitude n’est pas un facteur. Elle est également beaucoup plus facile à mettre en œuvre puisqu’il n’est pas nécessaire de la faire homologuer. Ainsi, la procuration générale est un outil de choix tant que la personne que vous accompagnez demeure apte et permet de la soulager de nombreux fardeaux du quotidien.
Toutefois, dès qu’il y a inaptitude du mandant, la procuration générale devient invalide et les organismes auprès desquels il est utilisé (institutions financières, résidences, organismes gouvernementaux, hôpitaux) risquent de refuser toute communication avec le mandataire. Dans ce contexte, il devient essentiel de faire évaluer la personne devenue inapte par un médecin et un travailleur social et de faire homologuer le mandat d’inaptitude auprès d’un notaire ou, plus régulièrement, du Tribunal.
Le degré d’inaptitude et de capacité à prendre des décisions éclairées varie grandement d’une personne à l’autre et des stades de la maladie. Il peut donc être difficile de déterminer quand sera le moment approprié pour faire homologuer le mandat en cas d’inaptitude.
Votre conseiller juridique peut vous accompagner dans toutes ces démarches et vous conseiller afin de rendre le processus plus simple et fluide. En cas de doute, n’hésitez pas à le consulter!
*** Le contenu du présent article ne vise qu’à fournir des observations et des renseignements généraux qui ne doivent pas être considérés comme des conseils juridiques. Les lecteurs ne devraient d’aucune façon prendre des décisions uniquement sur la base des informations communiquées ci-dessus, et ce, sans obtenir les conseils juridiques d’un professionnel.
¹Enquête statistique sur la proche aidance au Québec, Appui proche aidant, 2022, en ligne : https://www.lappui.org/documents/142/Appui_Enquete-Proche-Aidant-2022.pdf