Des parents d’une étudiante de quatrième secondaire, sanctionnée pour plagiat
Actualité judiciaire : Des parents d’une étudiante de quatrième secondaire, sanctionnée pour plagiat, poursuivent le Centre de services scolaire et l’enseignante pour 40 000 $
Un contexte difficile pour les enseignants en 2025 !
Les faits
En novembre 2022, une élève de quatrième secondaire et son amie réalisent un travail en équipe dans le cadre de leur cours de français. L’exercice exigeait que les élèves, en duo, reformulent une histoire dans leurs propres mots.
Lors de la correction, l’enseignante constate que les travaux remis par deux équipes sont « à ce point similaire (sic) qu’il ne fait aucun doute qu’il y a eu copie¹. »
La politique de l’école en matière de propriété intellectuelle est claire : aucune distinction n’est faite entre l’élève qui copie et celui qui partage son travail. Dans de telles circonstances, tous les élèves impliqués reçoivent automatiquement la note de zéro.
Ainsi, au début du mois de décembre 2022, les élèves concernés reçoivent une note de zéro pour leur travail. La direction de l’école confirme cette sanction et demande à l’enseignante d’en informer les parents.
Il est important de préciser que ce travail ne comptait que pour 1,5 % de la note finale en français et que l’élève avait la possibilité de le reprendre, ce qu’il a refusé de faire. Malgré cela, les parents entreprennent toutes les démarches administratives possibles, notamment en saisissant le Comité d’examen du Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries (ci-après « CSSPS ») ainsi que son Conseil d’administration (ci-après « CA-CSSPS »). N’obtenant pas gain de cause, ils portent finalement l’affaire devant la Cour supérieure, où l’audience s’est déroulée sur deux (2) jours.
Les demandes devant la Cour supérieure
La demande introductive d’instance des parents comporte trois volets :
1. Le contrôle judiciaire
À ce chapitre, les parents souhaitent que la Cour contrôle la décision ayant conduit à l’attribution de la note de zéro. Toutefois, ils peinent à identifier précisément quelle décision est en cause : celle de l’enseignante, de la direction de l’école ou du CA-CSSPS ?
Après une analyse approfondie, la Cour conclut que la décision de la direction de l’école et celle du CA-CSSPS de maintenir la note de zéro, tout en offrant la possibilité de refaire le travail, était raisonnable dans leur ensemble.
2. La réclamation de dommages
Les parents réclament solidairement aux défendeurs 30 000 $ en dommages-intérêts et 10 000 $ en dommages punitifs, affirmant que l’enseignante a commis une faute en attribuant la note de zéro et que la CSSPS a agi fautivement en refusant de réviser cette note. Nous y reviendrons.
3. L’injonction permanente
Les parents demandent une déclaration judiciaire confirmant que leur enfant n’a pas commis de plagiat. Ils exigent également la correction du travail remis, le retrait de toute mention de plagiat du dossier scolaire de leur fille et la rédaction d’une lettre d’excuses par l’enseignante et la CSSPS.
Compte tenu de la décision du Tribunal eu égard aux deux autres volets, le Tribunal ne pousse pas son analyse plus loin quant à cet aspect du litige.
Analyse de la responsabilité civile
Pour obtenir gain de cause, les parents devaient démontrer qu’une faute civile avait été commise, c’est-à-dire que l’enseignante avait dérogé à une règle de conduite en attribuant la note de zéro.
Le Tribunal devait donc se poser la question suivante : une enseignante raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, aurait-elle pris la même décision ? La même analyse s’appliquait aux agissements de la direction de l’école.
Les parents soutenaient qu’un enseignant ou une direction d’école raisonnable aurait cru leur enfant et lui aurait accordé le bénéfice du doute.
Le Tribunal rejette cet argument. Il conclut plutôt que la preuve présentée dans le cadre de l’audience en Cour supérieure ne permet pas de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’enseignante et la CSSPS ont engagé leur responsabilité civile.
Dans le cas qui nous occupe et pour le Tribunal, dans la mesure où les décisions prises étaient raisonnables, elles ne peuvent constituer une faute au regard du droit civil.
Le Tribunal résume ainsi sa conclusion :
« [302] En l’espèce, à la lumière des faits qui étaient à leur connaissance, le Tribunal est convaincu que la direction d’école et Mme Poulin ont agi comme une direction d’école ou comme une enseignante normalement prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances que celles devant lesquelles ces dernières se sont trouvées, au moment où fut posé l’acte reprochée, à savoir l’attribution de la note zéro (0) sur le travail. Par ailleurs, il faut rappeler qu’une offre de reprendre le travail fut offerte, mais refusée²»
Les conséquences de la poursuite pour l’enseignante
L’enseignante a témoigné de l’impact significatif qu’a eu cette poursuite sur elle :
« le fait d’avoir été portée défenderesse à titre personnel devant une cour de justice, simplement pour avoir fait mon travail d’enseignante de corriger et d’analyser des compositions écrites en français et concernant une décision finale d’attribuer une note de « 0 » qui n’a jamais été la mienne mais celle de la direction de l’école, m’a causé, entre autres, un grand stress et un sérieux désarroi³ » en ajoutant que la « judiciarisation de cette situation a fait en sorte que mon nom a été identifié dans plusieurs articles de journaux relatant les faits en litige, ce qui a accentué les conséquences négatives générées par cette situation dans ma vie personnelle, notamment, du stress et un sérieux désarroi⁴. »
En réaction à cette situation, la direction de l’école de même que la CSSPS ont décidé de réaménager son emploi du temps afin qu’elle n’ait plus à enseigner à l’élève en question dans sa classe, étant donc privée de l’ensemble du cours de français dont elle affectionne particulièrement.
Ce qu’il faut retenir
Le Tribunal s’interroge sur les proportions prises par cette affaire. Ce travail comptant uniquement pour 1,5 % de la note finale dans le cadre du cours de français, sans oublier que l’élève a eu l’occasion de le reprendre, ce qui a été refusé initialement par les parents puis par l’élève.
Le Tribunal rappelle également que les décisions des enseignants et des directions d’école doivent bénéficier d’une certaine latitude. Les risques de poursuites civiles ne devraient pas venir entraver leur capacité à appliquer les règles scolaires, tant que leurs décisions demeurent raisonnables.
Enfin, à la lecture de ce jugement de 64 pages, il est évident que cette affaire soulève des préoccupations quant à l’utilisation des ressources judiciaires et à la surcharge inutile des tribunaux pour ce type de litige.
Au moment d’écrire ces lignes, ce jugement rendu le 28 février 2025 n’a pas été porté en appel par les parents– qui, ironie du sort, sont tous deux enseignants au primaire.
** Pour lire la décision en entier : https://unik.caij.qc.ca/recherche#q=M%C3%A9lissa%20Poulin%20et%20Nancy%20Bonsaint&t=unik&sort=relevancy&f:caij-unik-checkboxes=[Jurisprudence,Doctrine,L%C3%A9gislation]&m=detailed&bp=results
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¹ Dogaru c. Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, 2025 QCCS 606 (CanLII), paragraphe 75
² Dogaru c. Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, 2025 QCCS 606 (CanLII), paragraphe 302
³ Dogaru c. Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, 2025 QCCS 606 (CanLII), paragraphe 307
⁴ Dogaru c. Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, 2025 QCCS 606 (CanLII), paragraphe 307