Sextorsion et partage d’images intimes sans consentement
L’Assemblée nationale du Québec agit et offre une protection immédiate et renforcée aux victimes
Imaginez qu’une image intime de vous soit diffusée sans votre consentement. Désormais, la loi vous protège plus efficacement. Voici comment.
Bonne nouvelle pour les victimes, le projet de Loi numéro 73 à savoir la Loi visant à contrer le partage sans consentement d’image intime et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence¹ (ci-après « Loi ») a été sanctionné le 4 décembre 2024. Qu’est-ce que cela implique ?
Un nouveau recours pour agir immédiatement
La Loi crée un nouveau recours : toute personne dont une image intime circule sans consentement (ou est menacée d’être diffusée) peut agir immédiatement pour l’empêcher.
Ce que la loi permet désormais :
✅ Déposer une demande de protection dès 14 ans
✅ Procédure rapide et simplifiée
✅ Sanctions lourdes en cas de non-respect
✅ Protection renforcée pour les victimes lors des audiences
Qu’est-ce qu’une image intime ? On parle ici d’une image (incluant tout enregistrement visuel ou sonore, ou toute diffusion en direct), qu’elle soit modifiée ou non, représentant une personne qui est nue ou partiellement nue exposant ainsi ses seins, ses organes génitaux, sa région anale ou ses fesses, soit en se livrant à une activité sexuelle explicite alors qu’elle pouvait s’attendre de façon raisonnable à ce que sa vie privée soit protégée.
Une procédure rapide et accessible pour protéger les victimes
Une procédure rapide, accessible et adaptée à notre réalité numérique ! En effet, une telle demande d’ordonnance pourra être logée par toute personne de plus de 14 ans au moyen d’un exposé présentant sommairement les faits allégués ou au moyen d’un formulaire établi par le ministre de la Justice². Cette demande simplifiée sera présentée en urgence devant un Juge de la Cour du Québec ou à un Juge de paix magistrat, elle peut même être instruite sans la présence des parties.
Cette demande n’aura pas à être notifiée à la personne qui partage le contenu sans consentement, à moins que le Tribunal n’en ordonne autrement.
Le Juge pourra essentiellement ordonner de ne pas partager l’image ou de cesser son partage, de la détruire ou de désindexer tout hyperlien permettant d’y accéder. Ensuite, toutes les personnes visées doivent respecter l’ordonnance dès qu’elle leur est notifiée par le greffier (par l’huissier de justice, par l’entremise de la poste recommandée, par la remise en mains propres, par un service de messagerie ou par moyen technologique).
Obtenir une ordonnance de protection en 3 étapes :
1. Déposer la demande (dès 14 ans, avec un formulaire simple)
2. Audience en urgence (devant un juge, sans la présence des parties si nécessaire)
3. Notification et application immédiates (via huissier, messagerie ou courriel)
Des sanctions sévères pour les contrevenants
Dans la mesure où l’ordonnance de protection n’est pas respectée, des amendes importantes sont imposées, à savoir : de 500 $ à 5 000 $ par jour pour une personne physique ou de 5 000 $ à 50 000 $ par jour pour une personne morale. En cas de récidive, ces montants pourront même être doublés.
Cet enjeu est pris très au sérieux. En effet, certaines modifications législatives ont également été prises afin de prévoir que les sanctions du Code criminel s’appliquent à toute contravention de l’ordonnance civile de protection. En d’autres termes, une peine d’emprisonnement maximale de 18 mois peut également être imposée.
En pratique, le non-respect d’une ordonnance civile de protection deviendra désormais une infraction criminelle. Alors, si la personne visée ne respecte pas l’ordonnance du Tribunal, la victime pourrait alors porter plainte directement à la police plutôt que devoir s’adresser au Tribunal et ainsi subir les délais et les coûts associés à une telle procédure.
Une loi renforcée pour mieux protéger les victimes
Dans le cadre d’une action civile en réparation du préjudice résultant d’un acte constituant une infraction criminelle, la nouvelle Loi facilitera la preuve que devra faire la victime en permettant simplement le dépôt d’une copie du jugement de culpabilité de l’auteur de l’infraction pour démontrer la faute. De plus, cette audience se tiendra maintenant à huis clos et l’accès au dossier du Tribunal demeurera très restreint.
La Loi prévoit également des mesures d’aide au témoignage des victimes, notamment afin de permettre à ces dernières de témoigner à distance ou d’être accompagnées d’un chien de soutien ou d’une personne de confiance par exemple.
Par ailleurs, la Loi rend imprescriptible le droit qui résulte d’un jugement obtenu contre le responsable du préjudice, sauf et excepté en cas de décès du responsable du préjudice où la prescription est limitée à trois ans. Alors, le délai de prescription de 10 ans antérieurement prévu afin de faire exécuter le jugement en dommages et intérêts résultant d’une infraction criminelle sera aboli.
En terminant, nous avons espoir que ce nouveau recours permettra aux victimes de faire valoir leur droit rapidement afin de minimiser le préjudice irréparable qui découle d’un tel comportement.
Ce message est clair : la sextorsion et le partage d’images intimes sans consentement ne resteront pas impunis. Parlez-en à vos proches, sensibilisez vos enfants, et sachez que la loi est là pour vous protéger.
À titre de parents, nous vous invitons donc d’ores et déjà à ouvrir le canal de communication et à discuter de ce fléau avec vos adolescents. Par ailleurs, à titre d’avocats en droit de la famille, nous anticipons que ce nouveau recours sera utile dans notre pratique, tant pour protéger les enfants que pour un parent.
*** Le contenu du présent article ne vise qu’à fournir des observations et des renseignements généraux qui ne doivent pas être considérés comme des conseils juridiques. Les lecteurs ne devraient d’aucune façon prendre des décisions uniquement sur la base des informations communiquées ci-dessus, et ce, sans obtenir les conseils juridiques d’un professionnel.
¹ https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-73-43-1.html
² À l’heure actuelle, le formulaire établi par le ministère de la Justice n’est pas disponible puisque la portion de la loi qui le prévoit entrera en vigueur uniquement le 5 juin 2025 ou à toute date antérieure fixée par le gouvernement.