Au cours de l’été 2020, une vague de dénonciation publique visant tant des personnalités publiques que des particuliers pour des inconduites de nature sexuelles a retenu l’attention du Québec. Toutefois, dans la mesure où de telles dénonciations publiques ont été pour plusieurs effectuées en marge du système judiciaire et plus particulièrement, en faisant appel au jugement du public plutôt que d’un tribunal, certaines personnes visées par de telles accusations ont soulevé la nature diffamatoire de ces dénonciations. Mais est-ce que la dénonciation publique peut constituer de la diffamation?
La forme la plus connue de diffamation est celle se traduisant par la conduite malveillante d’une personne qui véhicule publiquement des propos visant à humilier, ridiculiser, exposer à la haine et au mépris de façon volontaire et consciente autrui. Ainsi, le fait de faire appel au jugement du public pour dénoncer une situation, qu’elle soit fondée ou non, peut constituer de la diffamation si l’on peut y déceler à la base une intention malveillante, laquelle peut s’apparenter à une faute civile causant des dommages.
De façon moins connue, la diffamation peut également se traduire par la conduite négligente d’une personne qui véhicule publiquement des propos véridiques, mais de façon téméraire et négligente ou avec une certaine incurie dans les termes utilisés, le tout donnant lieu à un message déformé, tendancieux ou comprenant des demi-vérités, sans même qu’il y ait volonté de nuire.
Lorsqu’ils sont appelés à apprécier la notion de diffamation, les tribunaux font appel au critère de la « personne raisonnable », c’est-à-dire d’une appréciation de la situation en fonction de l’attitude qu’aurait dû prendre normalement une personne vigilante pour s’abstenir de véhiculer des renseignements défavorables sur autrui.
Ainsi, pour se défaire d’une accusation de diffamation, son auteur devra prouver le caractère raisonnable de ses faits et gestes en démontrant 1) sa bonne foi et 2) les vérifications préalables qu’il aura effectuées pour s’assurer de ses allégations.
Ainsi, le fait d’avoir recours au jugement public plutôt qu’au jugement d’un tribunal peut comporter un degré élevé de risque pour une victime d’actes répréhensibles ou non-souhaités, même si la situation dénoncée est véridique. Il vaut ainsi mieux faire preuve de beaucoup de vigilance ou de consulter un spécialiste au préalable, avant qu’il ne soit trop tard.